C’est une journée consacrée aux enfants de 0 à 7 ans. Elle est organisée par une association qui, par le jeu, la danse, la gymnastique, le développement du corps, a pour but de participer à l’évolution de l’enfant.
Nous arrivons au gymnase où se trouvent de nombreux jeux. Ce sont des activités surtout motrices. Elles sont soit individuelles ou organisées en petits groupes. Je suis accompagnée par une jeune maman et ses deux enfants : Samuel qui a un peu plus d’un an et sa grande sœur, Léonie, qui n’a pas trois ans. Nous sommes impressionnés par le bruit, les enfants aussi. Nous sommes assourdis par les cris des enfants excités et les voix des hauts parleurs qui organisent les jeux.
Devons nous supporter cela ?
Nous découvrons qu’il existe quelque part, dans ce grand gymnase, un lieu pour les touts petits : les enfants au dessous de deux ans et demi. Pour y accéder nous allons au fond de l’édifice. Une petite porte nous attend. Avant de l’ouvrir nous devons enlever nos chaussures. Les petits et les grands.
Nous entrons. Une très grande salle nous accueille.
Et là je suis surprise par le silence.
Ici aussi diverses activités sensori-motrices sont offertes aux enfants. Il y a une recherche de beauté dans le matériel, les animaux représentés sont gracieux, avec des couleurs franches non criardes. Certains sont comiques. De jolis rideaux transparents séparent les activités, des petites maisons accueillent les enfants, ainsi que de courts escaliers, des toboggans à la hauteur des enfants…
On peut marcher sur des briques qui donnent des sensations différentes, elles font des sons inattendus lorsqu’on marche dessus.
Tout ceci provoque notre curiosité ! On a envie de toucher à tout, d’essayer les propositions séduisantes. Petits et grands.
Je m’installe sur une chaise et je regarde. J’écoute aussi ! Car cette baisse de fond sonore m’a interloquée. Il n’y a donc pas un enfant qui pleure ? Je remarque quelques cris isolés, des cris de joie. Des appels.
Les petits sont accompagnés par leurs parents. Quelques éducatrices responsables des jeux vont et viennent.
Du coté des petites maisons plusieurs papas sont assis et lisent. Leurs propres enfants vont et viennent tranquillement, rentrent et sortent des petites habitations, vont grimper l’escalier. Quelques uns vont vers leur père qui interrompt sa lecture, regarde l’enfant, lui sourit, l’enfant repars…Je suis frappée par la sérénité qu’il y entre ces papas et les enfants.
Les papas paraissent indifférents, occupés à autre chose. L’enfant lui, joue, occupé lui aussi à autre chose. Ils se rencontrent quelque fois. Entre eux il y a un espace, un espace de confiance, de liberté. De liberté réciproque, tacite, informelle. Il n’y a pas de contrat du style : tu me laisse lire et je te laisse jouer. C’est plus profond que cela. Une tranquillité du papa égale à celle de l’enfant qui va et vient, explore seul, à son rythme, sans interférence extérieure. Guidé par son intérêt et à sa mesure, il monte, se cache, sort, essaie, recommence…Son papa n’est pas loin.
Je regarde du coté de l’itinéraire fait avec des briques posées par terre. Une maman encourage son petit garçon, elle lui montre comment faire, le stimule et trouve un grand intérêt à ce qu’il marche sur ces jolis pavés sonores de toutes les couleurs, les pieds nus, « tu mets ton pieds là », dit-elle, le petit obéit maladroitement, la joie de la maman est indéniable. Ils passent à un autre jeu, on va de surprises en surprises. Qui s’amuse le plus ?
Au centre de la salle, de jeunes mamans disposées en cercle, sont à genoux, penchées vers leur bébé. Ce dernier est allongé devant elles sur un tapis. Au milieu une jeune femme explique comment masser son petit, tout nu. Certaines mamans ne paraissent pas écouter tellement elles sont attentives à regarder leur bébé. Je suis frappée par leur concentration. Si certaines massent, d’autres ne font que regarder. Elles sont , avec leur enfant, comme dans une bulle.
Chacune est dans sa sphère de vie, enveloppe l’enfant dans son regard. L’enfant lui renvoie son attention.
On dirait que le silence vient de là.
Ce lieu me parait hors du temps et de l’espace. Entre le visible et l’invisible. Les liens imperceptibles tissés entre parents et enfants sont bien là, plus ou moins lâches ou tendus, plus ou moins aériens ou denses. Ils élaborent à leur insu le présent de chacun.
Je pars un peu comme une voleuse, toute songeuse, ressourcée, le cœur plein de gratitude.
Bernadette Moussy
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